French Polynesia 2022
Résumé analytique
Objet et gestion de l’évaluation
La présente évaluation a été menée de manière indépendante par deux consultants internationaux en gestion des finances publiques sous la supervision du secrétariat PEFA.
La présente évaluation fournit une situation de référence pour les futures évaluations PEFA qui seront basée sur le cadre 2016, elle permet aussi de mesurer l'évolution de la performance et les progrès réalisés au regard de la précédente évaluation de 2015 et faire ressortir les perspectives pour une gestion plus performante des finances publiques.
Les résultats de l’évaluation PEFA 2022 devraient servir de base au Gouvernement pour le suivi et la mise en oeuvre des réformes dans le domaine des finances publiques et pourront être utilisés par les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) dans le cadre du dialogue avec le Gouvernement sur les aspects liés aux finances publiques. Elle servira, en effet, de base pour actualiser le plan stratégique de réforme de la gestion des finances publiques.
Couverture, calendrier, champ d’application et période couverte
L’analyse porte, de façon générale, sur les exercices 2018-2019-2020, mais intègre pour les indicateurs qui le permettent, les données les plus récentes (mars 2022). L’évaluation concerne toute l’administration centrale qui englobe au sens du manuel des statistiques des finances publiques du FMI l’administration budgétaire centrale (ministères dont les services centraux), les établissements publics à caractère administratif (EPA, et certains EPIC assimilés à des EPA) et la Caisse de Prévoyance sociale (bien qu’étant une personne morale de droit privé, elle est chargée d’une mission de service public et placée sous la tutelle du gouvernement de la Polynésie française).
Sont exclues de l’évaluation les entreprises publiques qui n’entrent dans le champ de l’évaluation qu’en ce qui concerne l’incidence de leur gestion sur les finances publiques, et les communes qui ne sont prises en compte que pour ce qui est de leur relation budgétaire avec le Pays.
L’évaluation a été menée suivant un plan de travail préparé et adopté dès le démarrage de l’évaluation. L’évaluation a été menée en trois phases :
(i) Une phase préparatoire au cours de laquelle ont été notamment préparés le plan de travail détaillé, la préparation et la transmission d’une liste préliminaire des documents et des données requis pour l’évaluation, le calendrier des entretiens et les supports des ateliers de formation ;
(ii) La mission de terrain a démarré le 14 février 2022 matin par une réunion de lancement officiel de la mission au cours de laquelle Monsieur Edouard FRITCH le Président de la Polynésie française, accompagné du ministre de l’Économie et des Finances, Yvonnick RAFFIN, et de la directrice du budget et des finances d’alors, Marie-Laure DENIS, a souhaité la bienvenue à la mission et a fait part aux consultants de l’intérêt de cette évaluation pour le pays car elle doit permettre de mesurer les progrès accomplis depuis 2015, les améliorations restant à apporter et partant, les ajustements éventuels devant être opérés au titre du plan d’actions en cours (PA2 : 2021-2024) ou du suivant.
Ont été organisés au cours de cette mission de terrain un atelier de formation au profit des responsables et des cadres des différentes institutions et services concernés par l’évaluation, et les entretiens avec ces mêmes institutions et services. Cette phase de mission de terrain a permis également de collecter des documents et des données complémentaires et a été clôturé par deux réunions de restitutions des constats préliminaires de la mission d’évaluation.
(iii) Une phase de rédaction des rapports (provisoire et final), de révision de ces deux rapports et de contrôle qualité matérialisé par le PEFA CHECK.
Impact de la performance des systèmes de gestion des finances publiques sur les principaux objectifs financiers et budgétaires
Le PEFA permet d’analyser le système de gestion des finances publiques selon trois axes complémentaires : (i) le maintien de la discipline budgétaire, (ii) la capacité de définir des stratégies publiques et d’allouer les ressources en tenant dument compte de ces stratégies et (iii) la fourniture efficiente des services publics.
Cette analyse permet d’apprécier la discipline budgétaire globale, c'est-à-dire la conformité du budget et des programmes de dépense aux objectifs macroéconomiques ; l’allocation stratégique des ressources de manière efficace en conformité avec les priorités stratégiques définies dans les documents stratégiques et la fourniture de services publics de manière efficiente.
La discipline budgétaire globale
Certes, des forces du système ont été mises en évidence par l’évaluation, mais il subsiste encore de nombreuses faiblesses. Les aspects de la GFP qui ont impacté positivement la discipline budgétaire sont notamment :
- La bonne performance en termes de réalisations globales des dépenses et des recettes en comparaison avec les prévisions ;
- Le processus de préparation du budget bien encadré par des textes de portée légale et réglementaire, les plafonds de dépenses sont notifiés aux entités administratives ;
- La présentation à temps par l’Exécutif du budget à l’APF et son vote avant le début de l’exercice auquel il se rapporte ;
- Les premiers progrès significatifs en matière de gestion des marchés publics ;
- L’organisation actuelle de l’exécution comptable entre le pays et son comptable ce qui garantit une bonne fiabilité des restitutions comptables et un suivi de la trésorerie ;
- L’exécution budgétaire et comptable en recettes et en dépenses est globalement fiable ;
- Les contrôles des engagements stricts surtout sur le plan de la régularité et de la disponibilité des crédits ;
- Les projets de budgets primitifs ont été soumis dans les délais prescrits pour permettre à l’APF de disposer du temps nécessaire pour examiner et voter lesdits budgets ;
- La consolidation, le suivi et la prévision de trésorerie sont efficaces à la paierie comme à la DBF et la qualité globale du suivi d’exécution budgétaire et comptable, en lien avec les services de l’État, est satisfaisante et est un atout pour la bonne répartition des moyens ;
Malgré ces performances, la discipline budgétaire est amoindrie par les faiblesses suivantes :
- Le faible accès du public aux informations financières et budgétaires ;
- Les variations importantes dans la composition des dépenses dont les taux sont supérieurs à ceux requis pour une performance de base ;
- L’absence d’une classification administrative nécessaire en matière de responsabilité dans l’exécution des dépenses ;
- L’incapacité du système de GFP à produire des données fiables sur les arriérés de dépenses ;
- L’importance des opérations de recettes et de dépenses des unités extrabudgétaires qui ne sont pas rapportées dans les états financiers de l’administration budgétaire centrale ;
- Le temps alloué aux entités administratives pour préparer leurs propositions budgétaires qui était de six semaines en 2015 a été réduit à quatre semaines en 2022 ;
- L’absence d’un cadrage macroéconomique et macro budgétaire à moyen terme ne favorisant pas la préparation d’une programmation pluriannuelle et d’une budgétisation fiable ;
- Le dispositif peu performant en matière de gestion de la dette ;
- La faible analyse et prise en compte des risques budgétaires notamment ceux induits par les activités des entreprises publiques ;
- La non soumission des rapports financiers annuels des entités de l’Administration centrale à l’audit externe et l’absence de production d’un rapport d’audit sur les états financiers annuels du pays qui vide de l’essentiel de son contenu le débat parlementaire sur l’exécution budgétaire et comptable.
L’allocation stratégique des ressources
Certaines insuffisances du système de GFP mises en évidence par l’évaluation affectent l’allocation stratégique des ressources, ces insuffisances concernent :
- Les écarts de la variation dans la composition des dépenses qui ont pour effet la révision des priorités des dépenses et des priorités en matière de politiques publiques ;
- La classification des dépenses par chapitre fonctionnel n’est pas conforme aux normes internationales ce qui empêche l’élaboration de rapports cohérents et exhaustifs sur les politiques publiques ;
- La documentation budgétaire soumise à l’examen et/ou au vote de l’APF n’est pas suffisamment étoffée, elle souffre de l’absence d’explications des répercussions budgétaires des nouvelles initiatives, des nouveaux investissements publics, et des estimations de l’impact budgétaire de toutes les modifications importantes apportées aux mesures concernant les recettes et/ou aux programmes de dépenses ;
- La gestion des investissements publics, notamment la gestion des grands projets, souffre de plusieurs insuffisances qui ont trait notamment à l’absence de directives applicables en matière de sélection des projets d’investissement et à l’inexistence d’une entité centrale qui classe les projets en fonction des priorités et sur la base de critères standard de sélection ;
- L’absence d’une programmation budgétaire triennal qui favorise la programmation et la budgétisation fondées sur les politiques publiques.
La prestation efficiente des services publics
La budgétisation par programmes et la gestion axée sur la performance engagée en Polynésie française depuis des années ont permis une meilleure prise en charge des besoins des populations et une meilleure prestation des services. La performance projetée dans les PAP et bien suivie dans les RAP permet de remédier les insuffisances dans le temps et ainsi améliorer la prestation des services publics rendus.
Les faiblesses relevées en matière d’allocation stratégique des ressources présentées ci-dessus, sont susceptibles d’affecter l’efficacité et l’efficience de la prestation des services publics. Outre ces faiblesses, l’évaluation a mis en évidence d’autres insuffisances qui sont de nature à impacter négativement l’efficacité de la prestation des services publics. Il s’agit notamment de :
- L’accès limité du public aux informations budgétaires et la mise à la disposition du public d’informations financières et budgétaires de façon irrégulière et insuffisante ;
- La non préparation d’un budget citoyen ce qui réduit l’intérêt des populations et des organisations de la société civile aux finances publiques en particulier et à l’action publique en général ;
- Les quelques lacunes persistantes dans l’achat public qui peuvent nuire à la performance des services fournis par le pays.
En résumé, la performance du système de GFP en Polynésie française est satisfaisante mais encore insuffisante pour assurer pleinement la réalisation des trois principaux objectifs budgétaires que sont : la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la fourniture efficiente de services publics.
Résumé des principales évolutions de la performance depuis la dernière évaluation
Globalement, la performance du système de la GFP en Polynésie française ne s’est pas significativement améliorée entre 2015 et 2022, l'impact sur la période évaluée (exercices 2018-2020) du plan d'actions n°1 de la réforme du système de gestion des finances publiques (2018-2027), mis en oeuvre sur la même période, n'ayant été que partiel. Son évolution est également présentée ci-dessous suivant les trois principaux résultats financiers et budgétaires : la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la prestation efficiente des services publics.
La discipline budgétaire
La bonne performance notée en 2022 en matière d’exécution des recettes et des dépenses améliore la crédibilité du budget entre 2015 et 2022 et partant, conforte la discipline budgétaire. Toutefois, celle-ci continue d’être affectée par l’incapacité du système à produire des données fiables sur les arriérés de paiement.
L’exhaustivité et la transparence budgétaires se sont maintenues à leur niveau de 2015 sauf en ce qui concerne particulièrement la surveillance du risque budgétaire global imputable aux autres entités du secteur public.
La performance en matière de processus d’élaboration du budget s’est améliorée notamment en ce qui concerne les directives concernant la préparation des propositions budgétaires, ce qui conforte la discipline budgétaire. Mais, elle est affectée par la réduction de six à quatre semaines du temps accordé aux ministères et Institutions pour préparer les prévisions budgétaires.
La performance en 2022 en matière de transparence de l’assujettissement et des obligations des contribuables, en matière d’immatriculation des contribuables et de l’évaluation de l’impôt, en matière des taxes et des droits de douane et en matière d’efficacité du recouvrement des contributions fiscales et douanières est maintenue au même niveau que celle de 2015. Cette performance est de nature à conforter la discipline budgétaire globale.
La prévisibilité des fonds pour l’engagement des dépenses, le suivi et la gestion de la trésorerie, des dettes et des garanties ne se sont pas globalement améliorés entre 2015 et 2022, ce qui nuit la discipline budgétaire.
La performance du contrôle des états de paie a régressé depuis 2015 en ce qui concerne notamment l’existence de mesures de vérification des états de paie pour déceler les failles du système de contrôle interne.
Les insuffisances relevées en 2015 en matière de passation et de contrôle des marchés publics persistent, à l’inverse la performance en matière de contrôle des dépenses non salariales a été maintenue du fait d’un CDE, autonome vis-à-vis de la DBF, qui garantit complètement le respect des dotations budgétaires approuvées par l’assemblée et des plafonds fixés.
La discipline budgétaire est aussi affectée par les faiblesses constatées entre 2015 et 2022 en matière de rapportage budgétaire en cours d’exercice, notamment pour ce qui est de la portée, des délais de production et de la qualité des données.
Entre 2015 et 2022, la performance du système de vérification interne n’a pas significativement changé et est restée basique.
La performance enregistrée depuis 2015 en matière de vérification externe est restée inférieure à une performance basique, et celle se rapportant à l’examen de la loi de finances annuelle par le pouvoir législatif est restée au même niveau que celle de 2015 ce qui nuit sensiblement à la discipline budgétaire
L’allocation stratégique des ressources
Par rapport à 2015, l’allocation stratégique des ressources est confortée en 2022 par la faible variation enregistrée en 2022 dans la composition des dépenses effectives par rapport à la composition des dépenses initialement prévues.
Cependant, certaines insuffisances du système de la GFP mises en évidence aussi bien en 2015 qu’en 2022 continuent d’affecter négativement l’allocation stratégique des ressources. Ces faiblesses sont relatives notamment à la non-conformité de la classification fonctionnelle aux standards internationaux et à la non-détermination des charges récurrentes des investissements sur le moyen terme.
L’efficacité de la prestation des services publics
En 2015 comme en 2022, la performance en matière de passation et de contrôle des marchés publics est restée faible, ce qui ne favorise pas la prestation efficiente des services publics.
Outre les faiblesses relatives à l’allocation stratégique présentées ci-dessus et qui existaient déjà en 2015, l’accès limité du public aux informations budgétaires ne favorisent pas la mesure de l’efficacité des prestations de services publics.
Rappel de l’agenda ou du programme de réformes de la gestion des finances publiques
Le cadre institutionnel des réformes de la GFP en Polynésie française est bien établi et est organisé de manière à assurer un pilotage et un portage politiques de haut niveau et un pilotage technique garantissant la participation de l’ensemble des parties prenantes à la réforme. Le leadership politique en matière de réformes est bien affirmé et se matérialise par un soutien fort du Ministre de l’économie et des finances et une implication du Conseil des Ministres et de l’APF au processus de réformes en siégeant sur les grandes décisions en matière de réforme pour donner l’impulsion et l’élan nécessaire à ce processus.
Sur les 90 actions prévues sur la période 2021-2024 seulement trois (3) actions ont été complètement réalisées, deux (2) actions ont été réalisées à 50% et quarante-sept (47) actions n’ont pas véritablement démarré, les autres actions ont démarré mais avec un rythme d’avancement très lent. La Pandémie a certes porté atteinte au rythme de mise en oeuvre des actions de réforme prévues du PA-1 et le PA-2, mais, l’impact de la crise ne doit pas cacher d’autres causes structurelles retardant la mise en oeuvre des actions de réforme.
En effet, la mise en oeuvre des actions de réforme souffre de problèmes de capacités en ce sens qu’il n’existe pas au sein de la DBF une cellule et de ressources humaines dédiées à la réforme des finances publiques et dotées des capacités nécessaires pour mener et suivre les actions de réforme. Il n’existe pas non plus dans les directions techniques de cadres dédiées à la mise en oeuvre et au suivi des réformes.
Par ailleurs, et en plus de la désignation de points focaux dans les directions, il est constaté dans le plan stratégique l’absence d’une vision et d’une stratégie de gestion du changement comprenant un plan de communication et un plan de renforcement des capacités des acteurs de la réforme et des directions qui seront chargées d’implémenter ces réformes.