Burkina Faso 2017

Objectif l’évaluation

Le Gouvernement du Burkina Faso réalise, depuis 2007, et suivant une fréquence quasi-triennale, l’évaluation de la performance du système de gestion des finances publiques (GFP) du pays suivant la méthodologie du cadre PEFA dont les résultats ont servi de base à la définition et à l’actualisation des actions de réforme dans le domaine  des finances publiques.

La présente évaluation vient après celle de 2013 et a pour principal objectif de mesurer les évolutions et les changements intervenus dans le système de GFP burkinabè suite aux actions de réforme engagées depuis cette année.

L’évaluation couvre, conformément à la méthode PEFA, le champ de l’administration centrale constitué des ministères et institutions relevant du Budget de l’Etat et désignés par le terme « administration budgétaire centrale », des établissements publics de l’Etat  (EPE), et des organismes de sécurité sociale.

La période d’évaluation est celle des exercices budgétaires 2014-2016 pour la plupart des indicateurs mesurés à partir des données quantitatives, et l’exercice 2017 pour certains autres indicateurs.

Conduite de l’évaluation

Conformément aux termes de référence, l’évaluation s’appuie sur la nouvelle méthodologie du cadre PEFA mise en vigueur par le Secrétariat PEFA à partir du 1er février 2016.

Pour la conduite de l’évaluation, le dispositif institutionnel mis en place est constitué de (i) un comité d’orientation et de supervision (COS), (ii) un secrétariat technique, (iii) un groupe de réviseurs et (iv) un groupe de travail chargé de l’appui technique des experts.

La supervision de l’ensemble du processus est du ressort du COS qui est composé notamment des représentants de l’administration, des partenaires techniques et financiers (PTF) de la POSEF, des organisations de la société civile intervenant dans le domaine des finances publiques et des représentants du secteur privé. La Direction générale des études et des statistiques sectorielles (DGESS) du Ministère de l’économie, des finances et du développement (MINEFID) assure le secrétariat du COS.

Après le lancement officiel de l'évaluation, un atelier de quatre jours animé par les trois experts internationaux, a été organisé pour présenter de façon détaillée le nouveau cadre PEFA aux différentes administrations et parties prenantes concernées afin de leur permettre de contribuer efficacement à l’évaluation.

Principaux constats de l’évaluation

La performance du système de GFP du Burkina Faso est encore insuffisante pour assurer la réalisation des trois objectifs budgétaires que sont : la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la fourniture efficace et efficiente de services publics. Certes des forces du système ont été aussi mises en évidence par l’évaluation, mais il subsiste encore de nombreuses faiblesses.

La discipline budgétaire

En matière de discipline budgétaire, les principales forces et faiblesses relevées sont les suivantes :

Les principales forces :

Il existe un dispositif de suivi des risques budgétaires liés à la gestion des sociétés d’Etat et des EPE qui fonctionne. Les assemblées générales des sociétés d’Etat et celles de EPE se tiennent régulièrement.

Les règles et les mécanismes de répartition des transferts du gouvernement aux collectivités territoriales sont bien définies et appliquées.

Le processus de préparation du budget de l’Etat est bien organisé et le budget de l’Etat s’inscrit dans une perspective pluriannuelle.

L’examen du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale est bien organisée et porte sur la politique budgétaire et les prévisions détaillées de recettes et de dépenses.

Les principales faiblesses :

De fortes variations sont constatées entre la composition des prévisions initiales de dépenses et celle des dépenses effectives d’une part, et entre la composition des prévisions initiales de recettes et les recettes effectives d’autre part, ce qui traduit un manque de fiabilité du budget de l’Etat.

La transparence des finances publiques est affectée par le fait que : le public n’a pas accès aux principales informations budgétaires ; des plans annuels de performance ne sont pas élaborés en vue de relier le budget de l’Etat aux objectifs de politique publique poursuivis ; les opérations budgétaires des établissements publics de l’Etat ne sont pas rapportées dans les comptes annuels de l’Etat.

L’Etat n’a pas une vue exhaustive de ces actifs. Les actifs financiers ne sont pas enregistrés et le suivi de leur rendement n’est pas convenablement assuré. La comptabilité des matières est en cours de mise en place.

Les charges récurrentes liées aux projets d’investissement ne sont pas estimées et prises en compte dans la programmation budgétaire.

D’importantes dépenses sont exécutées suivant la procédure simplifiée de déblocage de fonds. Le mode de comptabilisation des ressources décaissées suivant cette procédure et les difficultés rencontrées pour leur justification affectent l’exactitude des états d’exécution budgétaire.

Les états financiers annuels de l’Etat sont soumis tardivement à la Cour des comptes.

L’allocation stratégique des ressources

Certaines insuffisances du système de GFP mises en évidence affectent l’allocation optimale des ressources.

La forte variation de la composition des dépenses effectives par rapport à la composition des dépenses initialement prévues traduit l’ampleur des modifications apportées   aux allocations initiales de ressources.

La non élaboration des plans annuels de performance pour soutenir l’allocation stratégique des ressources ne facilite pas une bonne allocation stratégique des ressources.

La non prise en compte ex-ante et/ou ex-post  des opérations budgétaires des EPE, notamment celles qui sont financées sur leurs ressources propres ne permet pas à l’Etat d’avoir une vue globale de toutes les ressources allouées à la réalisation de ses objectifs de politique publique.

Les insuffisances relevées dans la tenue de la comptabilité des matières privent les services d’informations nécessaires à la détermination de leurs besoins, donc à une allocation optimale des ressources.

La non estimation et la non programmation des charges récurrentes des investissements, l’absence de stratégies sectorielles chiffrées de la plupart des ministères et les préoccupations soulevées quant à l’exactitude des rapports d’exécution budgétaire, limitent les informations nécessaires à une allocation optimale des ressources.

L’efficacité des services fournis

Les principaux points faibles notés en la matière sont présentés ci-après ;

La forte variation de la composition des dépenses effectives par rapport à la composition des dépenses initialement prévues est susceptible d’entraver l’atteinte des objectifs initialement fixés en matière de fourniture de services publics.

La non élaboration des plans annuels de performance prive les services des moyens de mesurer les résultats atteints en ce qui concerne la fourniture des services publics eu égard aux objectifs initialement fixés.

La non maîtrise de la masse salariale révélée par les derniers contrôles a privé l’Etat de ressources qui auraient pu être allouées en particulier à la fourniture des services publics.

Le non accès du public aux informations budgétaires empêche la population d’être informée des prestations de services publics prévues et réalisées.

Evolution des performances depuis l’évaluation 2013

La fiabilité du budget s’apprécie sur la base des taux de réalisation des dépenses et des recettes. En ce qui concerne les recettes, une nette amélioration de la performance est constatée en 2017 par rapport à 2013. En effet, les réalisations de recettes sont globalement beaucoup plus proches des prévisions initiales.  Toutefois une importante variation entre la composition des recettes effectives et celle des prévisions initiales de recettes est notée, ce qui affecte la fiabilité des prévisions initiales de recettes. En matière de dépenses, aussi bien globalement que dans les détails, on constate une dégradation de la performance qui  résulte des faibles taux d’exécution et des écarts importants dans la composition des dépenses, ce qui traduit un manque de fiabilité des prévisions initiales de dépenses.

Globalement, la transparence des finances publiques ne s’est pas améliorée entre 2013 et 2017. Les dégradations des notes constatées au niveau de certains indicateurs de ce pilier sont dues à des divergences dans l’analyse de la situation faite par les deux missions et également à l’insuffisance et/ou l’indisponibilité des données nécessaires pour noter certains indicateurs. La nomenclature budgétaire et comptable n’a pas changé entre 2013 et 2017, et en la matière, les classifications budgétaires utilisées satisfont à tous les critères requis par le cadre PEFA. Les opérations des unités extrabudgétaires qui ne sont pas rapportées dans la loi de règlement sont relativement importantes. La répartition des transferts du gouvernement aux collectivités territoriales se fait toujours sur la base de règles et mécanismes transparents définis par la réglementation. Mais, contrairement à 2013, leurs montants sont communiqués tardivement aux collectivités territoriales. La mise à disposition du public des principales informations ne s’est pas améliorée.

En 2017 tout comme en 2013, la surveillance des risques budgétaires que peut engendrer pour l’Etat la gestion des établissements publics et des sociétés d’Etat est convenablement assurée. En ce qui concerne les risques liés à la gestion des collectivités territoriales, cette surveillance n’est pas correctement exercée comme cela ressort de l’évaluation précédente.

Le cadre de gestion de la dette s’est amélioré avec la création en 2014 du Comité national de la dette publique (CNDP) dont l’avis doit être requis sur toutes les questions relatives à l’endettement public et l’octroi des garanties d’une part, et par l’élaboration régulière de document de stratégie d’endettement public. La base de données de la dette est toujours jugée exhaustive, mais les rapprochements se font plutôt annuellement et non trimestriellement comme constaté en 2013. Le ministre chargé des finances demeure la seule autorité compétente pour contracter des emprunts et octroyer des garanties.

En 2017, la performance en ce qui concerne le processus de planification, de programmation et de budgétisation est restée bonne. La légère dégradation des notes est due notamment  au temps imparti par le calendrier budgétaire aux ministères sectoriels pour la préparation de leurs prévisions budgétaires qui est plus court en 2017 qu’en 2013, à l’importance relative des ministères qui disposent de stratégies sectorielles chiffrées qui est beaucoup moins élevée qu’en 2013, et par les charges récurrentes des investissements qui ne sont pas prises en compte dans la programmation budgétaire pluriannuelle. Les enveloppes budgétaires communiquées aux ministères sectoriels sont préalablement approuvées par le Conseil des ministres. Le budget de l’Etat continue de s’inscrire dans une perspective pluriannuelle avec l’élaboration des cadres budgétaires à moyen terme (CBMT), des cadres de dépenses à moyen terme (CDMT) et, à partir de 2017, du document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP).

En matière d’administration des recettes, la performance du système est restée globalement inchangée sauf en ce qui concerne  l’efficacité des mesures d’immatriculation des contribuables et de l’évaluation des impôts, taxes et droits de douane dont la note globale s’est détériorée  malgré l’amélioration du système de contrôle de l’immatriculation des contribuables.

Pour ce qui est de la prévisibilité des fonds pour l’engagement des dépenses, la performance s’est globalement détériorée malgré les efforts faits en vue de l’établissement au début de chaque année d’un plan annuel de trésorerie et de son actualisation suivant une fréquence mensuelle. Des plafonds d’engagement ne sont pas déterminés et communiqués périodiquement aux ministères pour encadrer les engagements de dépenses eu égard aux projections de ressources du plan de trésorerie. La performance du contrôle des dépenses non salariales est restée identique à celle de 2013. Le dispositif de contrôle en place permet de limiter les engagements aux dotations budgétaires, mais pas aux prévisions de trésorerie.

La performance du contrôle de la paie s’est  détériorée entre 2013 et 2017 du fait principalement de l’inefficacité du système de contrôle en place qui a été révélée par récentes opérations de biométrie et de paiement à vue des salaires aux agents de l’Etat. Toutefois, les fichiers du personnel et les états de paie sont toujours intégrés. Mais des tableaux prévisionnels des emplois et des effectifs ne sont pas élaborés et approuvés pour servir à l’évaluation et à l’exécution des dépenses salariales.

La performance du système de passation des marchés publics est identique à celle constatée en 2013. Les marchés publics sont passés conformément au cadre juridique les régissant. Cependant, la base de données des marchés publics n’est pas exhaustive.

La performance du système de vérification interne s’est dégradée du fait notamment de la réduction du champ de ces vérifications par rapport à 2013. Quant à la vérification externe, sa note globale est restée identique à celle de 2013, malgré le retard constaté dans la soumission des projets de loi de règlement à la Cour des comptes et sa transmission à l’Assemblée nationale. Le processus d’examen des projets de loi de règlement s’est amélioré par rapport à 2013 car il donne lieu à des auditions approfondies du Ministre en charge des finances et du Président de la Cour des comptes sur les principales conclusions du rapport sur le contrôle de l’exécution des lois de finances.

Les progrès attendus des réformes en cours ou programmées.

Le Gouvernement du Burkina Faso est engagé dans le processus de réforme de la gestion des finances publiques depuis des décennies. 

Le Gouvernement a adopté en 2011 la Politique sectorielle de l’économie et des finances (POSEF) 2011-2020 afin de consolider  les plans d’action  antérieurs  (Plan d’action  pour le renforcement de la gestion budgétaire- PRGB de 2002 à 2006)  et Stratégie de renforcement des finances publiques-(SRFP de 2007 à 2011).

L’objectif principal poursuivi par la POSEF est de promouvoir une économie compétitive et moderne soutenue par des finances publiques performantes et dynamiques.

De façon spécifique, il s’agit de:

  • renforcer les capacités institutionnelles et organisationnelles du ministère en charge des finances;
  • promouvoir une gestion économique moderne et performante;
  • améliorer le recouvrement et la gestion des ressources budgétaires ;
  • promouvoir une gestion efficace et transparente de la dépense publique ;
  • améliorer l’efficacité de la gestion des comptes publics et des systèmes financiers ;
  • renforcer le contrôle des finances publiques et la lutte contre la fraude, le faux et la corruption ;
  • améliorer la  gestion des relations économiques et financières internationales.

Pour atteindre ces objectifs spécifiques, sept programmes cohérents déclinés en sous-programmes ou actions sont prévus :

  • Pilotage et soutien des services du ministère en charge des finances;
  • Gestion macro-économique et pilotage du développement ;
  • Mobilisation et gestion des ressources budgétaires ;
  • Programmation budgétaire et gestion des dépenses ;
  • Gestion des comptes publics et sauvegarde des intérêts financiers et du patrimoine de l’Etat ;
  • Contrôle, audit des finances publiques et lutte contre la fraude, le faux et la corruption ;
  • Gestion des relations économiques et financières internationales.

Toutes les réformes envisagées dans le domaine des finances publiques tendent vers l’application des directives de l’UEMOA. De 2013 à 2016, le Burkina Faso a procédé à la transposition du nouveau cadre harmonisé des finances publiques de l’UEMOA dans le cadre juridique national. Ainsi ont été adoptés, la loi n° 008-2013/AN du 23 avril 2013 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au Burkina Faso, une nouvelle loi organique n° 073-2015/CNT relative aux lois de finances, et quatre décrets d’application portant respectivement (i) règlement général sur la comptabilité publique, (ii) cadre conceptuel de la comptabilité de l’Etat, (iii) tableau des opérations financières de l’Etat et (iv) comptabilité des matières. Mais en fait, la mise en œuvre des innovations introduites par la rénovation du cadre juridique de la gestion des finances publiques n’a commencé effectivement qu’en 2017 par la présentation du budget de l’Etat suivant l’approche programmatique.