Mali 2018

Objet, gestion et couverture de l’évaluation

Le dispositif de suivi-évaluation du PREM prévoit des auto-évaluations fondées sur les indicateurs PEFA, qui seront réalisées par un groupe technique spécifique « Autoévaluation GFP » constitué à cet effet, en prélude aux évaluations triennales PEFA indépendantes. 
 
Les futures évaluations devraient se faire sur la base du cadre PEFA actualisé. Dans cette optique, la nécessité de disposer d’un cadre de référence relatif au cadre PEFA 2016 s’impose afin d’être conforme au standard international. La présente étude consiste à actualiser l’étude PEFA réalisée en 2016 à l’aide du cadre méthodologique 2011 sur les exercices 2013 à 2015 à l’aide de la nouvelle méthodologie.
 
Cette évaluation a été menée à l’initiative du gouvernement du Mali en étroite collaboration avec le Secrétariat PEFA pour appuyer la mise en œuvre de la réforme et de la modernisation des finances publiques avec l’appui des PTFs. Elle a été financée sur le budget de la CARFIP (Cellule d’Appui à la Réforme des Finances Publiques). 
 
Le présent rapport d’évaluation de la performance dans la gestion des finances publiques du Mali, selon la méthodologie PEFA de 2016, a été élaboré par Jean-Marc PHILIP (expert international en finances publiques) avec l’appui des services techniques de l’administration malienne.  

Principaux résultats de l’évaluation

Les aspects relatifs à la préparation du Budget, à la richesse et la qualité des informations qui accompagnent le projet de budget, aux instruments utilisés et aux procédures mises en place à cet effet sont jugés satisfaisants. Des progrès ont aussi été réalisés concernant la circulation et/ou l’accès aux informations existantes. A l’inverse, pour ce qui concerne le suivi de l’exécution du budget, les règles et pratiques en cours sont encore insuffisantes pour assurer une gestion optimale des ressources et couvrir des risques financiers pouvant résulter de l’inadéquation des ressources réellement disponibles aux dépenses engagées. Le système de gestion des finances publiques pourrait aussi être amélioré, de manière significative et à brève échéance, par un effort de renforcement des capacités techniques et opérationnelles des services et institutions de contrôle interne et externe.
 
Enfin, la diffusion de l’information budgétaire aux partenaires de la société civile et au public, ou tout au moins de l’information sur les disponibilités de données et les moyens pour y accéder, constitue également une possibilité de progrès significatifs et rapides.
 
La synthèse des résultats de l’évaluation relativement aux trois axes transversaux du cadre de mesure des performances est présentée ci-après. 

✓ La discipline budgétaire globale 

D’une manière globale, le budget de l’État malien est resté crédible, comme lors de la précédente évaluation (PI1 & PI-2). Les notes des indicateurs servant à évaluer la crédibilité du budget se sont légèrement détériorées par rapport à la précédente évaluation, mais cette situation est la conséquence de la crise politique que le pays a connue en 2012. La crise politique de 2012 a également provoqué des arriérés de paiement (PI-22). Cependant, des efforts significatifs ont été réalisés pour les réduire de façon substantielle et les ramener à environ 1,6%1 des dépenses totales à fin 2015, y compris les dépenses sur financements extérieurs. Si l’on ne tient pas compte de ces évènements exceptionnels, la situation sur la crédibilité du budget s’est donc plutôt améliorée par rapport à l’évaluation de 2010. 
 
Sur la base des critères de notation PEFA, la transparence du budget a progressé sur un certain nombre de points. Ainsi, bien que le budget discuté et voté reste encore un budget de moyens, un budget programme en mode blanc a été établi pour accompagner la LDF de 2016 en vue d’améliorer sa présentation et se conformer aux directives de l’UEMOA. La qualité de l’information budgétaire fournie à l’Assemblée Nationale est également devenue plus exhaustive, avec la production de nouvelles annexes budgétaires : l’annexe sur les dépenses fiscales, l’annexe sur les garanties de l’État, l’annexe sur le Genre, l’annexe sur l’impact de la subvention des prix de l’essence à la pompe, l’annexe sur l’impact du non-ajustement tarifaire de la Société d’énergie du Mali (EDM), etc. (PI-5).
 
Tous les ministères disposent aujourd’hui de leurs sites web, ce qui rend les informations facilement accessibles au plus grand nombre. Le public peut ainsi accéder à davantage d’informations, relatives notamment aux lois de finances, aux budgets votés, au suivi de l’exécution du budget et au budget citoyen sur le site du ministère des Finances (PI-6). De plus, avec le Burkina Faso, le Burundi et le Togo, le Mali est le seul pays d’Afrique subsaharienne à publier les informations budgétaires, depuis l’exercice 2005, dans la base BOOST (Budget Ouvert) de la Banque Mondiale2. Les informations sont également mises à disposition du grand public par le recours aux médias et aux autres moyens d’information plus classiques. 
 

Les relations budgétaires entre l’État et les collectivités territoriales sont clairement établies dans les textes. Cependant, le mécanisme d’attribution des budgets d’investissement par l’ANICT est jugé trop long et trop complexe par les PTFs, qui souhaiteraient qu'il soit simplifié (PI-7). 
 
Les entreprises publiques et les collectivités territoriales sont bien suivies par l’administration centrale, mais la surveillance du risque budgétaire imputable aux établissements et entreprises publiques n’est pas toujours assurée et les rapports de consolidation et de suivi du risque budgétaire ne sont pas publiés Les financements sur ressources extérieures sont bien suivis par le Secrétariat à l’harmonisation de l’Aide (SHA), mais les prévisions budgétaires n’enregistrent les estimations des ressources extérieures que d’une manière globale et les rapports d’exécution budgétaires n’indiquent pas les détails des décaissements de ces ressources, tandis que celles-ci financent la quasi-totalité des investissements (PI-6 & PI-10). 

✓ L’allocation stratégique des ressources

Bien que le budget pluriannuel ne soit pas encore en application au Mali, le processus budgétaire s’inscrit déjà dans une perspective pluriannuelle. Le Programme des Investissements Publics (PIP) s’étale sur trois années et seuls les programmes/projets ayant trouvé un financement sont budgétisés.  Une coordination des PTF a été organisée, mais l’alignement des PTF sur les procédures nationales reste encore incomplet (PI-16).
 
Le processus de préparation du budget s’est amélioré grâce à un meilleur respect du calendrier budgétaire. Les délais accordés aux administrations pour la remise de leurs propositions budgétaires sont aujourd’hui suffisants (plus de six semaines). L’échéance légale du 1er octobre pour la transmission du projet de Loi de Finances à l’Assemblée Nationale a été respectée au cours de la période sous revue, ainsi que le vote des budgets avant le début de l’exercice budgétaire (PI-17). 
 
Les lois et les textes législatifs relatifs aux obligations fiscales sont relativement clairs, bien que la société civile soit d’un avis plus mitigé. Une annexe fiscale spécifique (État O) détaille les modifications du code général des impôts et le nouveau Code Général des Impôts (CGI) est délivre des procédures fiscales et une Charte du contribuable, adoptée en 2015 (PI-19). 
 
Sur le plan de la prévisibilité de la disponibilité des fonds pour l’engagement des dépenses, le degré de prévisibilité et de suivi des flux de trésorerie s’est amélioré avec l’élaboration d’un plan de trésorerie mensuel qui est annexé à la Loi de Finances dans « l’État H ». Le plan de trésorerie est revu mensuellement à l’ACCT et l’actualisation est réalisée trimestriellement. La régulation budgétaire est effectuée au cours d’une réunion de suivi du budget en recettes et en dépenses présidée par le ministre des finances. Les ministères disposent néanmoins d’informations fiables sur la disponibilité effective des ressources qui leur sont allouées : trimestriellement pour les dépenses de fonctionnement et annuellement pour les dépenses d’investissement. Depuis la mise en place d’une règlementation à la fin de l’année 2014 qui avait vu l’adoption de deux lois de finances rectificatives, les ajustements budgétaires en cours d’exercice ont été moins fréquents et importants. Une seule Loi de Finances rectificative a été adoptée en 2015 (PI-21).
 
Au niveau du suivi et de la gestion de la dette et des garanties, le Mali a gardé une collaboration soutenue avec les bailleurs de fonds, notamment avec le FMI. Une analyse de viabilité de la dette extérieure est annexée à chaque Loi de Finances dans « État L ». Le mécanisme de contraction des emprunts et octroi des garanties est clairement défini dans l’annexe « État T » de la Loi de Finances depuis 2014. Seul le ministre des Finances est habilité à signer les emprunts, après approbation du Conseil des ministres et ceux-ci doivent être ratifiés par le Parlement (PI-13).

L’utilisation efficace des ressources à des fins de prestation de services

La délivrance de services sur ce territoire étendu est compliquée, ce qui rejaillit sur l’égalité géographique et la cohésion sociale (PI-8). Au niveau du système de contrôle et de vérification internes, les organes de contrôles comme la DNCF, l’IF, le CGSP, la DNTCP et la DGMP-DS sont opérationnels, mais pas toujours efficaces et des redondances de contrôle persistent Les rapports des PTFs, dont le FMI, mentionnent plusieurs cas de non-respect de la procédure normale de dépense (dépenses non autorisées , dépenses non justifiées ou justifiées par des pièces irrégulières, paiements indus, dépenses fictives, justifications irrégulières ou partielles de l'utilisation des avances versées à la régie, réalisation d'achats fictifs ou dépenses indues par la régie, inadaptation des contrôles mis en œuvre préalablement au paiement des dépenses de soldes, etc. (PI-23 à PI-26).
 
L’enregistrement des opérations comptables est fiable et exhaustif jusqu’au niveau de la prise en charge et les délais de production des rapports budgétaires en cours d’année sont généralement respectés. Le rapprochement bancaire des comptes du trésor est effectué quotidiennement sur la base des comptes bancaires ouverts par l’État à la Banque centrale et dans les banques commerciales et l’administration prépare mensuellement des d’états de rapprochement consolidés, mais des retards de plusieurs mois peuvent être observés (PI-27).
 
Le contrôle externe est effectué par deux organes : le Bureau du Vérificateur Général (BVG), qui effectue principalement des audits ciblés et la Section des Comptes (SC) au sein de la Cour suprême (CS), qui centre principalement ses actions sur la vérification des comptes administratifs et de gestion de l’État3. Les rapports d’audit de la SC-CS et les certificats de conformité correspondants sur l’exécution des lois de finances sont transmis au Parlement, mais avec près d’un an de retard par rapport aux délais légaux, surtout à cause des délais requis par le ministère des Finances pour répondre aux demandes qui lui sont adressées. Cependant, une fois que les réponses lui ont été apportées par le ministère des Finances, la SC-CS présente rapidement ses rapports de vérification au Parlement. Bien que son cadre juridique soit conforme à la norme « Indépendance de l’ISC » définie par l’INTOSAI, la SC-CS ne dispose pas des moyens humains et matériels suffisants pour remplir efficacement les tâches qui lui sont assignées (PI-30). Enfin, les rapports d’audit de la SC-CS sur l’exécution des lois de finances ne sont pas publiés avant le vote de la Loi de Règlement par le parlement et celui-ci ne formule pas de recommandations sur la base de ces rapports (PI-31). 

Les principales évolutions depuis la précédente évaluation 

Sur le plan général, les principales conclusions du rapport en termes d’évolution depuis la précédente évaluation sont les suivantes :  - L'évaluation PEFA fait ressortir des progrès dans les systèmes de GFP au Mali, notamment grâce à la mise en place de certaines directives de l’UEMOA et le renforcement des textes juridiques sur les organes de contrôle externe : le BVG et la section des comptes de la Cour suprême. Malgré l’insuffisance de moyens matériels et humains, la SC-CS effectue, depuis 2012, l’apurement juridictionnel accéléré des comptes de 1960 à 2008 et procède au jugement régulier des comptes de 2009 et 2010.  - Toutefois, des faiblesses restent persistantes au niveau du contrôle interne, notamment sur les dépenses non salariales. Par ailleurs, les écarts entre les textes juridiques existants et leur application effective sont fréquents à cause de la lenteur du changement des habitudes. 
 
En ce qui concerne la notation des indicateurs, l’évolution est nettement moins sensible qu’entre 2006 et 2010, principalement à cause d’une surestimation de la situation lors de l’évaluation PEFA de 2010. Lorsque la composante est moins bien notée selon le cadre 2011, il ne s’agit pas d’une détérioration de la situation, mais

d’une différence d’appréciation par rapport à l’évaluation précédente. Ainsi, le nombre d’indicateurs en progression fait donc ressortir une amélioration du système de la GFP (voir annexe 1).

Les réformes en cours 

En matière de Gestion des Finances Publiques (GFP), le Plan d’Action Gouvernemental pour l’Amélioration et la Modernisation de la Gestion des Finances Publiques (PAGAM/GFP) a été mis en place par le Gouvernement du Mali avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers comme la stratégie nationale de réforme de la gestion des finances publiques. 
 
Suivant les recommandations de l’évaluation finale externe de la deuxième phase du Plan d’Actions Gouvernemental pour l’Amélioration et la Modernisation de la Gestion des Finances Publiques (PAGAM/GFP II) et des constats de l’évaluation PEFA 2016, le Plan de Réforme de la gestion des finances publiques du Mali (PREM) 2017-2021 a été élaboré et adopté par le Gouvernement le 21 septembre 2016. Le PREM s’inscrit dans une vision marquée par trois concepts clés : (i) l’optimisation de l’espace budgétaire, (ii) l’efficience et l’efficacité de la dépense publique et (iii) l’alignement aux bonnes pratiques internationales et engagements communautaires. Sur ces concepts, repose l’effet ultime qui est de parvenir à l’horizon 2021, à « optimiser l’espace budgétaire afin d’exécuter, de manière transparente et efficace, les dépenses publiques en vue de l’atteinte des objectifs de croissance et de développement durable ». 
 
Dans cette perspective, le Plan s’articule autour de quatre (4) pôles de changement portant sur (i) la modernisation des administrations et des politiques fiscales ; (ii) la mise en œuvre du nouveau cadre de programmation, d’exécution et de suivi budgétaire, (iii) la mutation vers un système de contrôle interne et externe aligné sur les bonnes pratiques, (iv) l’établissement d’un système contractualisé et transparent de gouvernance financière locale.